La recherche en psychiatrie

La recherche est une pratique fondamentale dans l’évolution des connaissances et des pratiques de toute discipline, a fortiori dans le domaine médical.  L’Instruction du 29 novembre 2017 relative aux programmes de recherche sur les soins et l’offre de soins en a fait une mesure prioritaire du Programme Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC) et insiste sur la pédopsychiatrie. La Feuille de route en psychiatrie du 28 juin 2018 l’a réaffirmée dans ses actions. L’instruction 2023/37 du 30 mars 2023 vient compléter cette ambition en définissant les modalités de mise en œuvre et d’accompagnement d’une démarche territoriale d’animation de la recherche, en lien avec les groupements interrégionaux pour la recherche clinique et l’innovation (GIRCI).

Naissance de la recherche en soins pour les professionnels paramédicaux :

Les premiers modèles en soins infirmiers ont fleuri dans les années 1950. Il faut attendre les années 1990 pour qu’apparaissent les premières impulsions de recherches en psychiatrie avec la Fédération Française de psychiatrie fondée en 1992. Elle a pour but de promouvoir la recherche, sa diffusion et la reconnaissance des pratiques de la psychiatrie et est soutenue par l’Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale (INSERM).

En 1994, une Commission d’Incitation à la Recherche Clinique en Psychiatrie (CIRCP), dirigée par le Professeur Edouard Zarifian, est créée et rend son rapport à la Direction Générale de la Santé. Des recommandations y sont formulées : « Affirmer la place de la recherche clinique en psychiatrie » ; « Développer des approches multidisciplinaires, intégrant le champ des sciences humaines et sociales » ; « Créer des comités de recherche au plan local » ; « Rapprocher certaines préoccupations de santé publique et le domaine de la recherche pour faire émerger des thèmes prioritaires ». Il invite à apporter « une aide méthodologique » aux chercheurs en créant un « plan type de recherche clinique » et à diffuser les résultats. Le bulletin « Pour la recherche » participe à cette diffusion.

Les « Plan(s) santé mentale » successifs font apparaître la recherche dans leurs objectifs : d’axe principal en 2001, elle devient axe prioritaire en 2005. Moins soulignée dans celui de 2011, elle apparaît dans « l’axe 4 : prévenir et réduire les ruptures entre les savoirs » à travers la mention «  Encourager, recueillir et faire connaître les travaux de recherche et les expériences réussies, à l’étranger et sur notre territoire, poursuivre le développement de recommandations de bonnes pratiques. » 

La création du PHRIP (Programme Hospitalier de Recherche Infirmière et Paramédicale)  en 2010  a donné une vraie impulsion au développement de la recherche paramédicale en France.

En 2013, le rapport ITMO (Instituts Thématiques Multi-Organismes) sur la Recherche en psychiatrie en France : Etat des lieux et orientations identifie encore des freins à la recherche en psychiatrie. Il révèle le faible nombre de chercheurs, pour la plupart peu formés et publiant peu. Il souligne le manque de moyens, aussi bien financiers (pas de financement spécifique dans les organismes de recherche scientifique ou médicale pour la psychiatrie) mais aussi technologiques et informatiques. Peu de thèses ou de doctorats sont réalisés sur des thèmes de recherche en psychiatrie. Le besoin de pluriprofessionnalité est mis en avant : la neurologie, l’imagerie médicale ou les sciences sociales sont liées à la psychiatrie et des passerelles entre ces domaines sont nécessaires.

Les domaines de recherche sont très larges :

• la génétique, qui peut expliquer l’apparition des maladies ou leur prévention
• les neurosciences qui en aidant à comprendre le fonctionnement du cerveau peut éclairer le fonctionnement des maladies mentales ou l’effet des médicaments
• mais aussi la biologie, la pharmacologie, la neurologie…

Les enjeux sont autant de définir les pathologies que de comprendre la souffrance psychique et les liens entre les deux, de repérer les symptômes, d’améliorer les traitements, de prévenir et influencer la santé publique, de valider de nouvelles psychothérapies ou traitements médicamenteux…
Le lien avec les sciences humaines et sociales est aussi un axe de recherche. La maladie mentale influence les relations sociales, familiales ou de travail des patients. Elle peut entraîner un handicap aux répercussions multiples et être l’objet de stigmatisations parfois fortes.

Les recherches peuvent revêtir plusieurs formes pour étudier ces phénomènes : clinique,  thérapeutique ou épidémiologique, de santé publique et infirmière. On peut citer le travail de Jean-Paul Lanquetin et Sophie Tchukriel sur L’impact de l’informel dans le travail infirmier en psychiatrie. Des pathologies comme l’autisme ou à la schizophrénie ont fait l’objet de recherches récentes. La Stratégie nationale pour l’autisme du 6 avril 2018 a réaffirmé la nécessité de la recherche et de la diffusion des savoirs.

Il existe de nombreux organismes en capacité de soutenir la recherche en psychiatrie du fait des approches multiples possibles. Comme l’INSERM et le PHRC, le Centre National de Recherche Scientifique (CNRS), l’Institut Pasteur, l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES) ou l’Association Française de Psychiatrie Biologique et Neuropsychopharmacologie (AFPBN). Des associations d’usagers et de famille comme l’UNAFAM soutiennent aussi la recherche au même titre que des sociétés savantes ou des fondations privées. La fondation Fondamental a créé un « Prix Dassault pour la Recherche sur les maladies mentales ». Au niveau européen, le projet ROAMER « Roadmap for Mental Health Reseach in Europe » fondé par la Commission Européenne promeut et diffuse la recherche en psychiatrie.

Des organismes officiels tels que la Haute Autorité de Santé (HAS) participe largement à la diffusion des connaissances grâce à la publication de Recommandations des Bonnes Pratiques, de Guides destinés aux soignants ou aux malades. La HAS met de plus à disposition des chercheurs des documents tels que les Critères de qualité des revues et journaux de la presse médicale française (note de cadrage de 2010) et a retenu dans ses thèmes de Développement Professionnel Continu (DPC) « l’enseignement et recherche (publication d’un article scientifique, recherche clinique en matière d’amélioration de la qualité et de la sécurité, maitrise de stage, formateurs pour des activités de DPC. » De plus en plus d’établissements spécialisés initient une dynamique institutionnelle de recherche en soins

La recherche en psychiatrie en tant que branche de la recherche médicale répond aux mêmes exigences : le code de Nuremberg 1947, ou encore la déclaration Helsinki de l’Association médicale mondiale de 1966. En France, ce sont le Code de la Santé publique et la Loi dite Jardé du 5 mars 2012 (seulement appliquée en novembre 2016) qui encadrent la recherche. Les principes éthiques et déontologiques s’appliquent, tels que l’obtention du consentement de toute personne participant à une recherche, l’évaluation du bénéfice/risque ou l’absence de conflit d’intérêt. Ces principes garantissent la réalisation des recherches dans des conditions qui respectent l’être humain.

Le format du cadre institutionnel retenu par les acteurs sera adapté dans chaque région en fonction des réalités et des dynamiques locales (GIRCI, GCS, GIP, équipe mobile de recherche clinique ou d’aide à l’investigation dédiée, fédération d’établissements liés par convention…). Cependant, une convention de partenariat avec les acteurs de la structuration de la recherche (GIRCI, Direction de la recherche clinique et de l’innovation, équipes mobiles de recherche clinique, dispositif territorial de recherche et de formation) est prévue par l’instruction 2023/37. L’articulation de la structuration proposée avec les ressources et les dispositifs d’appui existants et sa complémentarité avec les universités, les laboratoires de recherche clinique – laboratoires INSERM notamment – sera favorisée.